La Résistance : l’histoire de Peter de Gemma Malley

Quatrième de couverture : La mort n’existe plus. Les hommes vivent à l’ère de la Longévité. Mais pour éviter le surpeuplement, pas de naissances non plus. Peter et Anna ont un point commun : ils n’auraient jamais dû naître. Parce qu’une vie éternelle leur semble contre-nature, parce que le système de la Longévité a gâché leur enfance, parce qu’il menace leurs rêves, ils ont décidé d’entrer en lutte. Pour sa suppression. Au sein du Réseau, la résistance s’organise. Peter a pour mission d’infiltrer le plus grand des laboratoires, le centre névralgique du système, Pincent Pharma… dirigé par son grand-père, Richard Pincent. Un homme puissant et influent, bien décidé à faire plier les rebelles. Une présence troublante pour Peter. Quand les liens du sang s’en mêlent, tout se complique…

 

Note : Il s’agit d’un SP lu pour le compte de RCS.

 

Avis : La Résistance est la suite de La Déclaration dont l’avis se trouve ici.

Avec La Déclaration, le lecteur abordait cet univers dystopique sous l’angle d’une des dérives de la Longévité, ce traitement miraculeux qui permet de prolonger sa vie à l’infini en contrepartie du renoncement à la reproduction (la fameuse Déclaration qu’il faut signer). L’histoire d’Anna était celle d’une surplus, une enfant qui n’aurait jamais dû naître et qui était condamnée à faire pénitence toute sa vie pour expier la faute de ses parents. À la fin du tome 1, Anna et Peter étaient sauvés, mais le prix à payer était conséquent. On les retrouve tous les deux dans une situation particulière : les adolescents légaux ne courent pas les rues et tout le monde les regarde de travers, voire en a peur, car on a souvent peur de ce qu’on ne connaît pas ou plus. Là encore, le parallèle avec le racisme saute aux yeux.

Avec La Résistance, et comme le sous-titre l’indique, la focalisation passe d’Anna à Peter, même si, contrairement au tome précédent, il y a une alternance de points de vue entre plusieurs personnages pour permettre à l’histoire d’avancer même quand Peter n’est pas là. Anna semble avoir perdu en personnalité au passage ; elle est beaucoup plus lisse, plus en retrait, surtout à côté d’un Peter très torturé. Il se retrouve confronté à des dilemmes cornéliens et le lecteur y est confronté en même temps que lui.

Dans ce tome, on touche enfin au cœur du problème de la Longévité : Et vous, que feriez-vous si on vous offrait la vie éternelle ? Et surtout une vie à jamais en bonne santé ? Les réponses ne sont pas si évidentes parce que les problèmes posés sont en fait philosophiquement complexes. Ce tome soulève des questions éthiques d’actualité. Comment ne pas penser à Bryan Johnson qui dépense des millions et proclame avoir rajeuni de trois ans ? Comment ne pas regarder les Elon Musk, Jeff Bezos, Peter Thiel, Larry Ellison, Larry Page et autres transhumanistes qui ne rêvent que de vaincre la mort à tout prix. Cette histoire est une projection de ce qui pourrait arriver s’ils y arrivaient. La surpopulation deviendrait le problème à régler d’urgence puisque les humains ne mourraient plus et que nous sommes déjà bien trop nombreux sur notre planète.

Et comme les choses ne sont pas si simples, si la résistance du titre arrive à mettre un terme à la Longévité, alors d’autres questions se poseront. On essayera de mettre de côté le discours très nataliste qui en découle, car, sans la Longévité, les vieux vont mourir vite et en très grand nombre d’un seul coup, entraînant un écroulement de la population mondiale. Il est évident que les femmes vont devoir redevenir des ventres et ce n’est pas forcément une image qui fait rêver dans le contexte des luttes féministes actuelles où il faut encore se battre pour désessentialiser la femme et lui donner une place d’égale dans la société. D’ailleurs, il est judicieusement dit que la Longévité est ce qui a libéré la femme et que c’est ce facteur qui a fait basculer l’opinion publique en faveur de l’adoption de la Déclaration. On se contentera donc de dire que faire des enfants parce qu’il le faudra pour la survie de l’espèce est une nécessité inhérente au contexte du livre.

En tout cas, Gemma Malley a des idées absolument glaçantes. La construction dramaturgique est très travaillée avec suffisamment d’indices pour laisser présager le pire, mais pas assez pour ne pas se prendre un coup de massue. Et parce qu’elle s’adresse à un public jeune à partir de 13 ans, elle use avec beaucoup d’habileté de subterfuges pour suggérer sans montrer. La réalité est très violente et il vaut mieux ne pas la regarder de façon trop frontale. Les lecteurs plus âgés n’auront aucun mal à visualiser et à être profondément écœurés. L’autrice se montre aussi très efficace pour instiller l’idée de la traîtrise, ce qui met dans un état de tension permanent et rend vigilant au moindre détail pour essayer de savoir quand le piège va se refermer sur les personnages.

De part la profondeur des thématiques abordées, La Résistance surpasse le premier tome de la série. Gemma Malley se livre ici à un bel exercice de prospective et le résultat fait froid dans le dos. Bien sûr, c’est une adulte de presque 45 ans qui écrit et qui en a fait une lecture enrichie par un intérêt certain pour ces sujets. Il est difficile de savoir comment un adolescent le percevra, mais dans un cas comme dans l’autre, c’est une série qui mérite qu’on s’y plonge.

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