Où il est question de samouraïs

Cet article va en fait être une critique déguisée de deux films avec un bout comparaison et un bout analyse, le tout pas forcément très organisé et certainement pas exhaustif. Le hasard a fait que dimanche dernier, j’ai revu The Last Samurai (2003) et vu dans la foulée The Twilight Samurai (2002). Les connaisseurs auront tout de suite détecté le point commun à ces deux films. Non, il ne s’agit pas du mot samouraï dans le titre (j’ai dit les connaisseurs quand même). C’est la présence d’Hiroyuki Sanada. J’ai remarqué cet acteur il y a quelques années dans Ring (リング) et je le vois régulièrement dans la série Revenge en ce moment. Entre temps, il y a bien sûr eu Sunshine, Speed Racer et Lost pour ne citer que ces quelques participations à l’international. Je suis un poil trop jeune pour San Ku Kai, du coup j’ai toujours du mal à me dire qu’à la base il s’agit d’un protégé de Sonny Chiba et un acteur de film d’action. Et pourtant, dans sa jeunesse…

Mais revenons à nos samouraïs. Pour rafraîchir les esprits, voici une présentation rapide des deux films :

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Allociné dit :

En 1876, le capitaine Nathan Algren vit avec les souvenirs des batailles sanglantes menées contre les Sioux. Fort de son expérience au combat, il devient conseiller militaire pour le compte de l’empereur japonais soucieux d’ouvrir son pays aux traditions et au commerce occidentaux et d’éradiquer l’ancienne caste guerrière des samouraïs. Mais ceux-ci influent sur le capitaine Algren, qui se trouve bientôt pris entre deux feux, au cœur d’une confrontation entre deux époques et deux mondes avec, pour le guider, son sens de l’honneur.

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Allociné dit (et je les corrige au passage) :

À l’époque du déclin des samouraïs, à l’aube de l’ère Meiji. Seibei Iguchi est un samouraï de basse caste. Devenu veuf, il doit s’occuper seul de ses deux fillettes, de sa mère malade, après de lourdes heures de travail comme gestionnaire d’entrepôt. Comme il rentre toujours tôt, ses amis et voisins le surnomment « Seibei le Crépuscule ». Ils lui conseillent de se remarier, mais comme il est pauvre, il devra se contenter de n’importe quelle femme.
C’est alors que réapparait la belle Tomoe, son amour de jeunesse, qui a divorcé d’un mari brutal. Un soir qu’il la raccompagne chez elle, ils tombent sur l’ex-mari, en état d’ivresse, qui fait un esclandre, et provoque Seibei en duel : ce dernier arrive néanmoins à le vaincre avec une simple épée de bois, en usant de techniques enseignées par un vieux maître.
La rumeur de sa victoire se répand, et son clan le désigne alors pour mater un samouraï rebelle très dangereux…

Pour rappel, j’avais sabré The Last Samurai ici même en lui mettant un beau 4/10 et en disant ceci :

J’avais hâte de le voir depuis un moment celui-là, mais il était dans la pile commune de DVD ce qui veut dire qu’il faut que Kame ait envie de le voir en même temps que moi pour qu’on le regarde. Chose faite et je n’ai pas aimé. Tout est beau y compris Tom mais l’histoire, pitié ! Ça sent le film destiné à un public américain à 90% (10% d’universalité du Tom) avec des ficelles mélodramatiques de la taille d’un bout. En passant, on remarquera qu’il y a un côté très Hidalgo dans les traumatismes de l’ami Tom. Toujours en passant, on notera que la dianètique rend le Tom à l’épreuve des balles. Comme Kame était trop mortifié de honte par mon jeu de mots final, je le mets ici. Extrait de conversation. Kame : « Il rentre à la terre, Tom ? » Tanuki : « La Tom de terre ! ». Je vous laisse méditer là-dessus. Au moins, on aura bien ri pendant le générique de fin.

Retour à aujourd’hui, enfin à dimanche.

Les deux films se déroulent à quelques années près à la même époque charnière du Japon. The Twilight Samurai se situe aux alentours de 1865, soit 11 ans avant les événements décrits dans The Last Samurai. Cette période est amorcée par la volonté du Japon de faire un grand bond en avant vers la modernité en ouvrant ses portes à l’Occident. C’est ce que l’on appelle l’ère Meiji (1868-1912). Pour cela, il lui faut se débarrasser des vestiges du Japon féodal (dont font partie les samouraïs), réorganiser l’administration du pays dans son ensemble et acquérir de façon maîtrisée ce que l’Occident a à lui offrir. Tout ceci ne pouvait naturellement pas se faire sans heurts. Aussi incroyable que ça puisse paraître, en 1865, on avait donc encore des samouraïs se battant avec des sabres qui côtoyaient des militaires armés de fusils. Pour conclure cette petite parenthèse historique, à la fin de The Twilight Samurai, il est fait mention de la guerre de Boshin (1868-1869) qui opposa le Shogunat des Tokugawa à l’Empereur et, chose « amusante », si The Last Samurai était resté plus proche de l’histoire dont il s’est inspiré, il se serait déroulé justement en 1868 et aurait repris là où l’autre film se finissait. Au final, il est surtout un mixe entre ce Français qui a participé à la guerre de Boshin et la rébellion de Satsuma (1877) avec la fameuse charge suicidaire finale qui a été reprise dans le film.

J’avoue que le deuxième visionnage de The Last Samurai a été plus digeste que le premier et ça m’a permis de mettre plus précisément le doigt sur ce que je n’aime toujours pas dans ce film. Déjà, ce côté aseptisé ultraaméricain est désagréable au possible. Tout est tellement lisse, prévisible et larmoyant. Il suffit d’avoir vu quelques films japonais pour se rendre compte que The Last Samurai est passé à côté de quelque chose d’essentiel sans s’arrêter et n’a pas su capter l’« âme japonaise ». En lieu et place, c’est l’artillerie lourde américaine sans nuances et sans souplesse présentant une sorte d’ersatz de la voie du guerrier pour les nuls. Le film n’est pas, à strictement parler, dans le faux. Il est dans les grandes lignes. Certes, les beaux sentiments montrés à l’écran, aidés pas une réalisation impeccable, font mouche mais, à mon sens, c’est uniquement parce qu’ils font échos à des attentes totalement occidentales et formatées. Pour ça, le film est une réussite. Mais pour le reste, il n’est que frustration. Cette âme qui fait cruellement défaut à The Last Samurai est, quant à elle, bien présente dans The Twilight Samurai. Et ça va même au-delà. Au lieu d’idéaliser le samouraï comme un héros prêt à sacrifier sa vie par honneur pour son clan, ici on découvre un personnage à la vie miséreuse à qui les privilèges ont commencé à être retirés par le pouvoir en place (pas encore l’interdiction du port du sabre, mais celle de participer à certains événements de la vie du village par exemple). Qu’est devenu le samouraï qui ne fait pas partie de l’élite à la veille de sa disparition ? Il est devenu fonctionnaire et il est pauvre dans la plupart des cas. Quand le personnage de Zenemon Yogo refuse de se faire seppuku et de partager ainsi le sort de ses camarades à qui l’ordre a été donné de se suicider, on envoie contraint notre héros, Seibei, à aller lui régler son compte. C’est dans cette extraordinaire scène que se cristallise vraiment la complexité du problème des samouraïs à l’approche de la fin, cette force du désespoir qui est commune aux deux films mais traitée de façon si différente. Comment préserver l’essence même du samouraï quand celui-ci n’a plus ni sa place dans la société ni ses attributs qui faisaient de lui un être à part ? Que faire quand le poids de l’honneur est dorénavant surpassé par l’importance de la famille et de la vie dans le cœur des hommes ? Le personnage de Seibei Iguchi aspire à une vie calme avec ses deux filles et ça lui suffit. Il ne se fait pas d’illusions sur le futur et n’ose même pas l’imaginer avec une nouvelle femme qu’il aime et qui l’aime. Il le dit lui-même, la flamme du samouraï en lui s’est éteinte au fil des années. Il faudra qu’il soit menacé pour accepter cette mission dont il ne veut pas. The Twilight Samurai offre une vision bien plus fataliste et nettement moins grandiose de la fin de la voie du guerrier et ce jusque dans les dernières images. Là où Edward Zwick fait pleurer dans les chaumières à grand renfort de ficelles dramatiques, Yôji Yamada se contente d’un terrible combat au sabre entrecoupé de dialogues qui poussent la réflexion sur le sujet encore plus loin. Et c’est cette différence qui rend The Twilight Samurai bien plus riche émotionnellement.

En passant, il est assez curieux de remarquer que dans les deux films, il y a une scène absolument similaire : celle de la préparation de l’homme avant de partir au combat par une femme qui n’est pas encore la sienne. C’est la même cérémonie et, dans les 2 cas, ce sont deux personnages qui n’ont pas encore osé s’avouer leurs sentiments l’un pour l’autre mais qui le feront au travers de cette scène. La comparaison de ces deux scènes suffit à saisir la différence entre la vision américaine et la vision japonaise. D’un côté, on ne voit que Tom Cruise, l’acteur, dans une scène mielleuse. De l’autre, on ne voit que Seibei, le personnage, dans une scène tout en retenue qui transpire l’authenticité.

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