Voleurs de justice de Véronique Moysan

Présentation de l’éditeur : Un glaive dans une main, une balance dans l’autre, la statue de marbre surplombe le palais de justice. Ses yeux bandés symbolisent l’impartialité de la justice. « C’est surtout qu’elle ne veut pas voir nos conneries ! » Voilà ce que pense Maître BB, fraîchement sortie de l’école des avocats qui apprend son métier aux dépens du justiciable, en l’occurrence les clients de Gentil Patron, son maître de stage. Transsexuel en quête de genre, procureur hétéronormé, père incestueux, juge fantasque ou greffier compatissant, tous vont se croiser pour un instant de vie dans un pathétique chahut où parfois, un moment de grâce sera accordé. Et que vient faire cette petite fille, victime collatérale de la vanité des uns, du pouvoir des autres, dans ce décor peut-être factice, mais souvent cruel ? Plongez dans l’envers du décor de cette vieille dame malade de sa lenteur expéditive qu’est l’institution judiciaire. Un récit mordant, à la plume cinglante, qui ne vous laissera pas indifférent !

 

Avis : Voilà un récit qui transpire le vécu par toutes les aspérités de la page, mais un récit revu et corrigé pour que toute ressemblance avec des personnes ou des situations existantes ou ayant existé soit la plus fortuite possible.

Ce qui surprendra plus d’un lecteur et nécessitera peut-être un tout petit temps d’adaptation pour rentrer dans ce livre, c’est que les personnages n’ont ni prénom ni nom, mais uniquement des surnoms. Maître BB, Gentil Patron, Champagne, Petite Fille, M’sieur Dame… Il n’en faut finalement pas plus pour attribuer un rôle à chacun dans l’histoire et ne jamais s’y perdre, tout en préservant l’anonymat de tous.

Les affaires judiciaires s’enchaînent donc au fil du temps qui passe, d’une carrière qui évolue et d’une justice qui stagne. Certaines ne sont là que pour montrer les rouages, d’autres pour dénoncer les injustices. Ces dernières tordent le bide sur la fin et laissent un arrière-goût amer en bouche. Surtout quand on comprend comment Petite Fille et Maître BB sont liées – même si ce n’est pas évident tout de suite et qu’il faut être très attentif aux détails –, et comment la Justice peut voler les vies de personnes fragiles dont le cri de détresse n’aura jamais été entendu. Et puis, il y a l’histoire de M’sieur Dame, personnage tellement attachant d’un bout à l’autre et dont le parcours ubuesque ne pourrait pas faire plus écho à l’actualité.

Heureusement, il y a de l’humour pour ne pas sombrer, même s’il s’agit souvent d’humour noir, grinçant, sombre. On rit au détour d’une page, souvent pris par surprise, et ça aide à supporter tout le reste. Il y a ici une petite prouesse littéraire à arriver à si bien allier deux choses aussi opposées.

Voleurs de justice est un livre atypique. Ce n’est pas un polar, il n’y a pas de tueur à arrêter à la fin, ni d’enquête à mener (enfin, si, un tout petit peu). Ce n’est pas non plus une autobiographie. Il faut accepter de se laisser porter, de suivre Maître BB qui grandit entre boulot et vie perso jusqu’à ce que la goutte d’eau fasse déborder son verre. C’est aussi une sorte d’expérience de lecture, car la frontière entre témoignage et fiction est très fine ; on ne sait jamais de quel côté on se situe, mais on ne doute jamais un instant que même dans la fiction, il y a du vrai. D’ailleurs, on apprend beaucoup de choses au passage. Difficile de ne pas ressortir désabusé de cette lecture, avec une furieuse envie de baisser les bras face à cette institution qui est malade depuis bien longtemps et qui n’est pas près d’être soignée. Un peu comme beaucoup trop d’autres organes de notre société, hélas.

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