Je vous écris de Téhéran de Delphine Minoui

Quatrième de couverture : Sous la forme d’une lettre posthume à son grand-père, Delphine Minoui, journaliste franco-iranienne, raconte ses années passées à Téhéran, de 1997 à 2009. Elle porte un regard neuf sur son pays d’origine, tiraillé entre ouverture et repli. À ses côtés, on s’infiltre dans les soirées interdites, on pénètre dans l’intimité des mollahs et des miliciens bassidjis, on suit les espoirs et les déceptions du peuple…

Avis : Sur l’Iran, j’avais lu les récits autobiographiques de Marjan Satrapi (Persepolis) et d’Abnousse Shalmani (Khomeiny, Sade et moi). Les deux ont pour point commun d’avoir fui leur pays de naissance dans les années 80, dans la foulée de l’arrivée de Khomeiny. L’air y était devenu trop irrespirable, surtout sous un voile. Delphine Minoui, journaliste née à Paris d’un père iranien et d’une mère française, fait le voyage inverse et part à la découverte de l’Iran de ses ascendants. Elle y restera 12 ans, de la fin des années 90 à la fin des années 2000. Khamenei a pris la place de Khomeiny, mais le guide suprême reste celui qui a la mainmise sur le pays, notamment avec l’adoubement du président. La journaliste va ainsi exercer son métier au rythme des crispations et des assouplissements relatifs du régime – l’ouverture de Khatami, la fermeture d’Ahmadinejad, la réouverture de Rohani – et des pressions des autres pays du monde, États-Unis en tête.

Delphine Minoui raconte un pays qu’elle découvre, qu’elle explore, qui lui colle de plus en plus à la peau et dont elle va finir par apprendre la langue pour être au plus près du peuple et au plus près des textes. Elle explique la complexité, les paradoxes d’une population écartelée entre religion, répression et désir profond de liberté et de changement. Le lecteur, lui, traverse avec l’auteur de grandes périodes d’espoir que le pessimisme le plus noir vient systématiquement mettre sous cloche. Un jour, peut-être…

Le travail et la rigueur journalistiques sont toujours très présents entre les lignes de cet ouvrage qui se veut plus personnel, avec un « je » qui observe, qui décrit et qui, surtout, cherche à en voir le plus possible pour comprendre. Du visage le plus sombre du pays à son aura la plus lumineuse, en passant par sa jeunesse festive qui brave les interdits, Delphine Minoui saisit tout et rend palpable ce qu’est l’esprit d’un grand reporter sur un terrain parfois très hostile. Des intimidations, il y en aura de nombreuses (interrogatoires, vol de matériel et peur au ventre de disparaitre du jour au lendemain ou d’être accusée d’espionnage) et, pourtant, la volonté d’aller toujours chercher l’information là où elle se trouve pour la livrer au monde reste intacte. Une pugnacité qui lui rapportera le prix Albert-Londres en 2006.

J’avais déjà été séduite par son écriture et sa façon très simple de présenter des faits complexes dans Les Passeurs de livres de Daraya, avec Je vous écris de Téhéran, j’ai retrouvé cet immense plaisir à m’enrichir, mieux comprendre et nuancer. Et par-dessus tout, je suis devenue encore plus admirative de la journaliste et de la personne et je compte bien continuer à la suivre et à la lire.

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