Avis : Sang Tabou de Camille Emmanuelle

Quatrième de couverture : Pourquoi chuchote-t-on quand on demande un tampon à une collègue et, sur le trajet des toilettes, fait-on en sorte de bien cacher l’objet, comme si on transportait un sachet de coke ? Pourquoi, alors qu’on en a parfois très envie, on s’interdit de faire du sexe pendant nos règles ? Pourquoi en 2017 dans les pubs pour serviettes, le liquide est-il toujours bleu ? Pourquoi est ce qu’on entend encore au bureau :  » oh la la, Machine elle est énervée, elle a ses règles ou quoi ?  » ? Pourquoi les femmes qui souffrent le martyr pendant leurs règles doivent rester belles et se taire ? Pourquoi les hommes ne connaissent rien sur les règles des femmes, et sont donc ignorants sur ce que vit la moitié de l’humanité une fois par mois pendant 40 ans ?

Note : Avis publié initialement sur Onirik.net

Avis :

La connaissance de notre corps et de notre fonctionnement individuel nous donne la force d’affronter les injonctions sociétales. (p. 131)

Le saviez-vous ? En Inde, les femmes qui ont leurs règles n’ont pas le droit de toucher au pot de cornichons ; à Bali, interdiction d’aller au musée et de rentrer dans la cuisine ; en France, fut un temps où elles faisaient tourner la mayonnaise et virer le vin. Il y a déjà de quoi lever les yeux au ciel et pourtant ce ne sont que quelques exemples de croyances entourant le mystère de ces saignements mensuels, certaines croyances perdurant de nos jours. Cette grande incompréhension vis-à-vis d’un phénomène qui touche néanmoins la moitié de l’humanité n’a de cesse de doublement pénaliser les femmes, les faisant tantôt passer pour des êtres sales, voire impurs, tantôt pour des faiseuses de malheur. Quand elles ne sont pas qualifiées d’hystériques. Comme si être en vrac ne suffisait pas.

Camille Emmanuelle prend le parti de ne pas y aller avec des pincettes et de n’épargner personne. Elle met la pudeur à la porte, tacle les « beurk » et parle de biologie, d’hormones, de honte, de douleurs, d’endométriose, de féminité, du SPM, de la peur de la tache, de serviettes et autres coupes, de la première et de la dernière fois, d’art, de religion, et de sexe aussi. L’auteur couvre le sujet de manière aussi exhaustive que possible en partant de son prisme personnel et en l’élargissant au gré de ses rencontres et de ses recherches.

La cible principale – la plus importante, ce sont les femmes elles-mêmes, afin de les réconcilier avec leur propre corps et avec ce phénomène ô combien naturel qui n’est pourtant pas exempt de pressions et de jugements. Camille Emmanuelle encourage ensuite à en discuter plus librement avec l’entourage qui pourrait se poser des questions ou montrer des signes de méconnaissance, hommes et femmes confondus. Enfin, à plus large échelle, il semble important de construire un regard plus critique sur la façon dont les règles sont perçues dans la société, qu’il s’agisse des séries et les films, du sport ou de la publicité, qui est d’ailleurs la première à renchérir sur la peur de la tache et sur les soi-disant odeurs pour des raisons purement marketing. De toute évidence, il reste du boulot.

Difficile aussi de ne pas avoir entendu parler de la taxe tampon qui a agité les parlementaires en 2015. La prochaine étape pourrait bien être de faire admettre à tous que les règles peuvent être incapacitantes et que ce n’est pas pour autant un signe de faiblesse pouvant être utilisé contre les femmes, notamment dans le monde du travail. Un jour, donc, le congé menstruel sera peut-être au menu des politiques, une mesure qui est déjà mise en œuvre dans certains pays asiatiques et fait un début timide depuis 2016 en Angleterre.

Sur la forme, construire un essai en se raccrochant sans cesse au canevas de son propre vécu ne sert pas toujours efficacement le sujet. Sous prétexte de jouer la carte de l’identification et de la copine décomplexante, le propos se retrouve parfois noyé sous une masse d’informations trop personnelles et peu utiles, voire entaché de quelques inexactitudes. Sur le fond, ce qu’il serait souhaitable de retenir, c’est cet appel du cœur à l’empathie, la compréhension et la bienveillance les uns envers les autres. Et si une bonne connaissance des règles était une des clés de l’égalité entre les femmes et les hommes ?

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