Panorama de l’Enfer de Hideshi Hino

Initialement publié sur Cinemasie le 1er novembre 2004 avec la note de 3,5/5.

Sorti le même jour que le Serpent Rouge, Panorama de l’Enfer est sans doute l’œuvre la plus troublante des deux. Démarrant un peu comme les Contes de la Crypte ou le Manoir de l’Horreur d’Ochazukenori, un hôte plus qu’inquiétant propose au lecteur de rentrer dans son univers un peu particulier au travers de 13 saynètes macabres. Mais pas n’importe quel hôte puisqu’il prend part intégrante à l’histoire. Voici donc un peintre attiré par le morbide qui se sert de sang, de préférence du sien, pour couvrir ses toiles blanches et dont l’inspiration vient directement de son environnement et de sa famille. Décapitation de condamnés à mort à la chaîne sur fond de feux d’artifice, incinération de corps, zombies fréquentant une auberge locale pour pouvoir y déguster leurs propres organes, rivière nauséabonde où on retrouve pêle-mêle déchets et embryons humains grouillant de vers. Avec tout ça, on ne saurait douter que le peintre est fou, chose dont il semble avoir parfaitement conscience. Sauf que cela ne lui suffit pas puisqu’il ambitionne de goûter un jour le fruit issu de la fleur naissant du sang des condamnés et qui lui fera connaître la folie divine.

Les choses se corsent un peu plus avec l’entrée en scène de la famille. Composée, entre autres, d’une grand-mère qui se balade avec un cochon pourrissant sous le bras, un garçonnet qui suce des yeux de porc ou des embryons de corbeau et une fillette « croquant » des cadavres de chat, on sent bien qu’il s’agit d’une famille très cohérente où il fait bon vivre. Et c’est sans parler des grand-père, père et frère ayant tous sombré dans la violence, l’alcoolisme et également yakuza à leurs heures, tout ceci leur garantissant une mort violente. Du coup, ce n’est peut-être pas le simple fait d’avoir grandi près d’un abattoir où son père assommait des cochons qui a complètement détraqué le cerveau de notre hôte au point qu’il a commencé très jeune à torturer des animaux comme tout bon futur psychopathe qui se respecte.

Encore une fois, Hino ne se contente pas de proposer au lecteur une histoire à prendre strictement au premier degré, même si c’est déjà sacrément gratiné. Bien plus que dans Serpent Rouge, on est invité à lire entre les lignes. Pour ne pas faciliter la tâche du lecteur, Hino intègre dans son récit horrifique des éléments de sa propre biographie si bien qu’il est difficile de fixer les limites entre le vécu de l’auteur et celui du peintre. Ainsi on sent bien qu’à travers l’histoire familiale, il y a une sorte de témoignage furtif de plusieurs époques de l’histoire récente du Japon. Le passage sur les parents est particulièrement intéressant puisqu’il s’attarde sur quelque chose qui a grandement marqué l’auteur : l’après-guerre dans laquelle il a grandi. Retranscrivant à sa manière les persécutions qu’ont subi ses parents lors de leur fuite de Chine, on devine que le peintre est en fait l’enfant d’un viol et non magiquement issu d’une supposée immaculée conception découlant d’un éclair né du fameux champignon atomique (renommé pour l’occasion le roi des enfers). Difficile de faire le tri dans tout ça mais une chose est sûre : Hino continue d’exorciser ses démons par le dessin et montre clairement que l’enfer, c’est les autres surtout quand ceux-ci usent de bombes, guillotines et autres fours crématoires.

Au final, le moins que l’on puisse dire, c’est qu’on ne lit pas le Panorama de l’Enfer sans ressentir à de nombreuses reprises un certain malaise. Avec tous ces yeux globuleux, ces faciès déformés, ces vers grouillants un peu partout et surtout tout ce sang qui ne cesse de couler, le lecteur est complètement immergé dans un cauchemar des plus dérangeant.

Un petit reproche tout de même au sujet de l’édition. Les traductions des pancartes, couvertures de magazine et autres idéogrammes auraient été les bienvenues, même si ce n’est pas forcément essentiel pour la compréhension de l’histoire.

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