Avis : La bête aveugle d’Edogawa Ranpo

Synopsis : Un masseur aveugle, fasciné par la perfection du corps féminin, entraîne ses victimes de rencontre dans des mises en scènes cruelles et perverses où les plaisirs sensuels et les amours troubles deviennent très vite des jeux douloureux. Caresses raffinées pour les plaisirs extravagants d’un esthète qui célébrait l’art dans un monde de beauté purement tactile.

 

Avis : Ce qui frappe le plus en lisant La bête aveugle, c’est sa ressemblance avec un autre portrait de tueur en série « sensoriel » : Le Parfum de Patrick Süskind. Dans ce dernier, Jean-Baptiste Grenouille éprouve une fascination maladive pour les odeurs au point de se mettre en tête de réaliser le parfum ultime qui mettra le monde à ses pieds, un mélange exquis obtenu en extrayant l’essence de jeunes femmes fraîches et innocentes. C’est également le moteur du tueur de ce livre dont le nom ne nous sera jamais révélé. Sauf que notre tueur a la particularité d’être aveugle et le chef-d’œuvre de sa vie sera donc tactile. Tout comme dans le Parfum où chaque odeur était ressentie au travers de la description qu’il en était faite, ici, chaque caresse le long d’une sculpture ou d’un corps titille le bout des doigts et génère cette sensation de sensualité dont il est question dans le synopsis. Cependant l’expérience sensorielle n’est jamais poussée aussi loin que dans le livre olfactive pré-citée, sans doute pour ne pas perdre le dynamisme du récit.
Vendu comme un roman policier, La Bête aveugle relève plus du thriller horrifique puisque ces crimes particulièrement sanglants sont rapportés par un narrateur inconnu qui se place tantôt à la place de la victime tantôt à la place du tueur sans que jamais l’aspect enquête ne soit abordé. Le point de vue du narrateur est d’ailleurs assez inquiétant par moments puisqu’il s’extasie lui-même de l’ingéniosité et de l’imagination de notre tueur. La description de l’antre de la bête en est un très bon exemple. Il semble aussi assez s’amuser de certaines situations qui n’ont rien de très drôles pour le lecteur.

C’était une histoire démente et cocasse, tellement absurde qu’on en avait le fou rire. Une cruauté à mourir de rire ! Existe-t-il expression plus terrible ?

C’est le genre de phrase décalée et dérangeante qui a de quoi donner des frissons et à laquelle on repense quand on finit par sourire aussi lors de la découverte du deuxième corps. Comme si la fascination était contagieuse. Pour ceux qui s’y connaissent un tant soit peu en thrillers et qui arriveront à isoler les indices, il y a justement de quoi être fasciné par ce portrait de meurtrier vu par le petit trou de la lorgnette. On se retrouve face à un tueur en série qui a toutes les caractéristiques d’un psychopathe. Son modus operandi évolue et s’améliore, son intelligence et son art de la manipulation sont indéniables, il est pris d’une frénésie qui le pousse à rechercher rapidement sa prochaine proie dont il se lassera toujours plus vite, il aime retourner sur les lieux du crime pour profiter du spectacle de la découverte d’un corps et au final recherche une forme de gloire à travers ses crimes. Et que penser de l’auteur, Edogawa Ranpo, grand fan d’Edgar Alan Poe comme l’indique son pseudonyme, qui en 1931 arrivait à créer un tueur particulièrement crédible qui ferait les « joies » d’un profiler d’aujourd’hui ? C’est peut-être ça le plus effrayant dans ce livre après tout.

Note :

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