L’Île des Gauchers d’Alexandre Jardin

ilePrésentation de l’éditeur : Dans un archipel du Pacifique Sud ignoré des géographes, l’île des Gauchers abrite une population où les droitiers ne sont plus que l’exception. Mais là n’est pas le plus important. Cette minuscule société, fondée par des utopistes français en 1885, s’est donné pour but de répondre à une colossale question : comment fait-on pour aimer ? Sur cette terre australe, le couple a cessé d’être un enfer. C’est l’endroit du monde où l’on trouve, entre les hommes et les femmes, les rapports les plus tendres. Voilà ce que vient chercher, sur l’île des Gauchers, lord Jeremy Cigogne. À trente-huit ans, cet aristocrate anglais enrage de n’avoir jamais su convertir sa passion pour sa femme Emily en amour véritable. À trop vouloir demeurer son amant, il n’a pas su devenir un mari.

Avis : Comment un couple fait-il pour durer dans le temps ? Surtout de nos jours où il est si simple de se séparer et de passer à autre chose. C’est curieusement à travers le parcours d’un homme du début du XXe, donc assez déconnecté de nos vies actuelles, qu’Alexandre Jardin choisit d’apporter quelques pierres à l’édifice de la vie à deux : une vie qui ne laisse pas beaucoup de répit.

La première épreuve est pour le lecteur : survivre aux 80 premières pages. Le début est long, vraiment long. À tel point qu’il est difficile de croire qu’il puisse s’agir d’une maladresse de la part de l’auteur. Jusqu’à l’arrivée sur l’île proprement dite, Jeremy Cigogne et sa famille se sentent encore prisonniers du carcan du monde des Droitiers et de son cortège d’obligations sociales ; le style, lourd et lent, en est simplement un reflet. Une fois arrivé sur l’île des Gauchers, le couple va aller de surprise en surprise, d’expérience en expérience. Étape après étape, Jeremy et Emily vont devoir se redécouvrir eux-mêmes avant de pouvoir se redécouvrir l’un l’autre pour mieux embrasser à bras le corps, et en toute légèreté, l’amour libre. Exactement ce que représente symboliquement l’île des Gauchers : un monde où le concept moderne d’encouplement prend tout son sens et où le libertinage n’est pas une menace, mais un ciment et une source d’enrichissement personnel.

L’ouvrage n’est finalement qu’une succession plus ou moins évidente de métaphores. La construction de la maison en est un bel exemple. Chaque Gaucher doit prendre le temps de construire la résidence du couple, choisir son emplacement, sa forme, son aménagement intérieur, en pensant chaque décision. C’est le fondement même de la vie de couple qui est représenté ici. Chaque couple a un rythme et un fonctionnement unique, inutile d’aller chercher la solution ultime dans les magazines qui tentent d’imposer des normes et de dégager des tendances ou dans les avis des amis ou de la famille qui croient tout savoir, elle ne s’y trouve pas. La réflexion doit avant tout se faire à deux, les deux seules personnes qui comptent vraiment. Peu importe que la maison soit biscornue à la fin, tant qu’elle est à l’image de ceux qui l’habitent.

En évitant soigneusement de sombrer dans le romantisme dégoulinant, Alexandre Jardin propose avec L’Île des Gauchers une piste, à la fois flexible et sensée, qui replace la confiance, le respect, la communication et l’amour au cœur de la relation à deux. Et ce, alors même que Jeremy et Emily ont des enfants – comme quoi, il ne faut pas oublier qu’être parents ne doit jamais signifier ne plus être un couple. Par-dessus tout, il encourage à penser sa vie à deux de manière personnalisée ; ce qui demande un minimum d’efforts, de réflexion et d’esprit critique. Les questions à se poser sont simples : que veut-on pour soi, pour l’autre et pour le nous ? Les réponses sont, quant à elles, infinies, allant de l’incompatibilité absolue à la sublimation. Il est néanmoins dommage que la voix d’Emily ne se fasse pas plus entendre, ou trop tardivement en tout cas. La femme se retrouve un peu trop facilement placée sur un piédestal, et il aurait été bien plus intéressant de la mettre véritablement sur un pied d’égalité avec l’homme. Jeremy Cigogne fait beaucoup pour elle, en respectant ce qu’elle est et sa liberté, mais l’inverse est moins visible. C’est sans doute le seul point vraiment négatif, pour le reste, ceux déjà inscrits dans une démarche active vis-à-vis de leur vie de couple y trouveront très certainement matière à réflexion. Autant dire qu’il s’agit d’une lecture vivement recommandée pour s’ouvrir l’esprit et aller encore plus loin à deux.

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