La Chine : On s’y fait ou on la quitte

Suite au postage d’un lien sur son mur, la Tortue a fait une très bonne réponse à un article publié sur Rue89 intitulé « Chine, merci et au revoir » : lettre d’un expat’ qui revient en France. Mais elle est restée sur Facebook où elle n’a malheureusement pas une visibilité publique. J’ai néanmoins réussi à obtenir l’autorisation de la reprendre ici parce que ça serait bien dommage qu’elle se perde dans les limbes du net.

Lisez d’abord l’article (long, certes) et ensuite ce qui suit.

« La Chine a donc décidé, doucement mais sûrement, de choisir son immigration sur des standards précis : ses besoins. »

C’est pas doucement, mais sûrement, ça a toujours été très clair : la Chine tu y es soit pour apporter des capitaux, soit pour apporter des compétences qui sont difficiles à trouver sur le marché du travail local, point. La seule chose qui a changé ces dernières années est la montée des contrôles sur les visas « business » de complaisance délivrés à Hong-Kong et qui étaient l’apanage de toute une frange de wannabes qui étaient en Chine en mode « self-made entrepreneur révolutionnaire ».

« Comme toutes les fois, on panique un peu, on cherche l’info du mieux que l’on peut et on se butte à l’évidence : personne ne sait. Car en Chine, personne ne sait jamais. »

Suivi d’un exemple… sur les visas, cf. supra. Le problème du « on cherche l’info du mieux que l’on peut » se traduit en général par « je ne sais ni lire, ni entendre le chinois, et je ne pose pas ce genre de question à des personnes parlant chinois ». Le problème avec son assertion, c’est, qu’en fait, ces problèmes de visa ne touchent que ceux qui essaient de faire le business en Chine en voulant contourner les règles immuables établies par les Chinois depuis des décennies (i.e. tu apportes plein de cash ou alors tu fais une joint-venture en apportant un peu moins de cash). Quand tu es dans les cases pré-établies, tu passes un coup de fil à ton cabinet d’avocats préféré et c’est réglé.

« Ceux n’ayant pas la chance d’avoir un visa de travail (qui, pour être obtenu, doit être validé selon des critères tout autres qu’une simple entreprise vous employant) se ruent sur un visa business : avec celui-ci, vous n’avez théoriquement pas le droit de travailler pour une entreprise chinoise. Dans la réalité, c’est probablement le visa le plus utilisé pour le faire. »

A part le fait que sa parenthèse ne veut rien dire, on revient toujours sur le même point : le système est clair, on triche avec, et quand l’administration balaye, on pleure. Dur la vie.

Je commentais au fur et à mesure de ma lecture… et BAM, le Visa F (business) obtenu à Hong-Kong qui est trop difficile à avoir. Comme c’était prévisible en fait.

« Vous gagnez peut-être un peu plus que le salaire moyen mais vous payez absolument tout plus cher, en particulier ce qui importe : loyer et bouffe. Car en Chine, c’est à la tête du client et si votre tête est blonde, on vous confond mystérieusement avec un distributeur à billets. »

On n’avait pas la thèse et l’anti-thèse, par contre on a la foutaise. En Chine c’est à la tête du client, avec tout le monde, que tu sois bridé, basané ou blanc comme mes fesses. Alors forcément quand on est habitué au prix fixe, ça déconcerte, mais bon, c’est comme ça, si le prix n’est pas affiché (et même quand il l’est en-dehors des restos et de certains grands magasins) c’est de la négo. Et après forcément quand ils voient des petits péteux arriver, la négo commence en général relativement haut. Et si tu vas manger dans un bouiboui en passant ta commande en chinois, tu payes exactement comme tout le monde.

« En Chine, on ne vous pardonne rien, vous n’êtes pas chez vous, on vous le fait sentir et on vous le dit quand vous faites remarquer votre traitement : « This is China ». »

Le plus simple reste donc de n’avoir rien à se faire pardonner

« A raison, les Chinois ne nous voient pas autrement que de passage. »

Ouaip, à raison, parce qu’à part certains couples mixtes, extrêmement peu restent ad vitam aeternam. Même Dashan est reparti y’a pas très longtemps, c’est pour dire.

« Vous y venez avec une ambition, et vous finissez par le comprendre : si vous êtes venu pour autre chose, la seule raison qui vous a fait rester face à vos désillusions, ce sont les possibilités économiques. […] En tout cas, c’est l’image que l’on finit par se renvoyer tant, finalement, le pays n’a rien d’autre à vous vendre et que vous aurez du mal à justifier votre présence par « l’amour de la culture chinoise ». »

On rappellera l’introduction de l’article : « Mais force est de constater que ce pays n’est pas fait pour tout le monde et, a fortiori, il n’est plus fait pour moi ou les gens comme moi, ceux qui voyagent pour expérimenter, goûter, voir, comprendre et apaiser leur curiosité. » Donc en un an, le mec a fait le tour des 800 millions de paysans, les 2000 km de la côte est, rencontré les 50 ethnies, visité les 7 ou 8 zones économiques spéciales (= les mégalopoles), les milliers de sites touristiques ? Ou alors c’est « expérimenter » le business, « goûter » le cash, « voir » les pauvres au travail, « comprendre » les dessous de table ?

« Car oui, si vous y allez pour la culture, vous tomberez de haut et finirez par avoir le complexe de supériorité imprimé sur le crâne comme les trois quarts des étrangers vivant ici : « Les Chinois sont idiots, les Chinois ne savent pas marcher, ne savent pas conduire, ne savent pas manger, ne savent pas se tenir, ne savent pas être courtois… » »

Il parle de culture et ses exemples sont sur les us ? Sinon on reconnaît bien les préjugés de l’expatrié français jetable, à savoir l’étudiant en école de commerce. J’espère qu’il a croisé d’autres personnes.

« Le pays est allé simplement plus vite que ses habitants, dont les parents et grands-parents ont connu famine, maladie et autres malheurs… »

Alors que le pays n’a pas connu la famine, la maladie et d’autres malheurs ? Ha non, c’était juste une dichotomie foireuse.

« Mais dans l’instant, quand un inconnu vous enfonce son coude dans l’estomac pour ne pas rater le métro (sait-on jamais, le prochain ne viendra peut-être jamais), vous ne pensez à rien de tout cela, vous faites la tête du méchant étranger et laissez votre esprit analytique dont vous êtes si fier au placard. Il s’excusera peut-être, ou se contentera de vous ignorer. »

Mais pourquoi il s’excuserait bon sang de bois ? Ça n’est pas dans leur modèle éducatif, faudrait peut-être arriver à comprendre ça au bout d’un an. Et le mec qui met son portable à fond dans le métro pour écouter sa zik wesh-wesh, il s’excuse aussi peut-être ?

« Vous ne voulez pas devenir l’un de ces expatriés racistes et condescendants, vous ne voulez pas devenir un expat’ admiratif et intégré qui fera remarquer aux autres à quel point, lui, aime manger la nourriture chinoise baignée dans l’huile, aime la culture chinoise, sait rester compréhensif, ne critique jamais les locaux ou le gouvernement chinois. Et surtout, il vous fera remarquer que tout comme son pendant, il se berce d’illusion et se ment. »

J’aime bien cette notion de mensonge qui revient en permanence. Après, c’est sûr que s’il confond « compréhension » et « être compréhensif », il est mal barré. Et s’il ne connaît que la partie « baignant dans l’huile » de la cuisine chinoise, c’est qu’il n’a pas essayé grand chose.

« Me concernant, l’impression qu’il m’en restera sera celle d’un rouleau compresseur, écrasant sans remord aussi bien sa population que les immigrés souhaitant y vivre (a priori, l’un comme l’autre, en paix). »

Le CNRTL me dit « qui est venu dans un pays étranger pour y trouver un métier et s’y établir plus ou moins durablement ». Bon, il a clairement dit que lui ce qui l’intéressait, c’était le tourisme, et que pour le travail, il ne voulait surtout pas rentrer dans les cases décidées par les autorités, et visiblement il n’a pas l’intention de se mettre sérieusement au mandarin, condition un peu nécessaire s’il veut s’établir dans le pays : peut-il se revendiquer du statut d’immigré ? Moi j’appelle ça un expat’, c’est différent.

« J’aurais eu la chance d’apprendre ce que sont le racisme et la discrimination (positive ou non) quand on en est la victime : en tant que caucasien, blond, francophone et de province, je n’aurais pas pu l’expérimenter à ce point dans un autre pays »

Il n’a pas beaucoup voyagé en-dehors des pays à culture « OTAN » le monsieur.

« et, il faut l’avouer, cela me rend reconnaissant de maintenant comprendre comment un simple regard peut être une insulte, comment une bête question peut être une attaque et vous donner l’envie d’exploser de colère. »

Mais qu’est-ce qu’il a bien pu faire ? Il a bien fait de quitter la Chine avant de provoquer un incident diplomatique.

« Malheureusement, que ce soit de mon fait ou du leur (ou des deux), je refuse de me mentir et d’aimer ce que je n’aime pas, d’accepter ce que je n’accepte pas ou de prétendre être ce que je ne suis pas : pire, de devenir ce que je ne veux pas être. « 

La conclusion sera donc sur la thématique du mensonge envers soi-même.

Ma conclusion personnelle est donc qu’on a un wannabe qui est resté pendant un an dans un microcosme d’autres wannabes en train de cramer le flouze de papa en pensant qu’ils allaient apprendre à ces arriérés en pleine expansion ce qu’est le business, alors que ça fera bientôt 35 ans que la Chine est entrée de plain-pied dans le capitalisme et que les règles ont quand même grosso-modo peu changé depuis les réformes introduites par le camarade Deng. Il est venu la fleur au fusil, bourré de préjugés, et sur place il s’est construit d’autres préjugés tout en en payant son impréparation et il l’a mauvaise. « date de naissance 08.06.1988  » : les voyages déforment la jeunesse.

EDIT de la Bouilloire : Ça réagit ailleurs aussi

Articles similaires

Commencez à saisir votre recherche ci-dessus et pressez Entrée pour rechercher. ESC pour annuler.

Retour en haut